Mercredi 18 mars
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18 décembre 1999
Je te regardais te retourner, puis t’avancer vers la voiture qui attendait au coin de la rue. « Je te quitte ». Les derniers mots que tu avais prononcés. Je ne
voulais pas y croire, impossible. Pas après ces quelques mois merveilleux qu’on avait passé ensemble, ces matins ou je m’étais réveillé dans tes bras, ces soirées que j’avais passé collé contre
toi. « Je ne t’ai jamais vraiment aimé ». Je ne voulais pas y croire, impossible.
Impossible.
Les flocons tombaient en abondance du ciel totalement gris, recouvrant d’une pellicule de neige la chaussée. Mon cœur cognait contre mes tempes. « Heureusement que tu répétais que tu ne m’aimais
pas, j’aurais eu du mal à te l’annoncer ! ». Je t’aime, ces mots qui brûlaient mes lèvres, je ne les ai pas dits. Je ne te les dirais jamais.
J’avais enfin réalisé que tu venais de me quitter, quand il ne restait de toi que l’empreinte de tes pas dans la neige …
18 décembre 2009
Il était 15 heures, l’heure de la délivrance après une longue journée de travail. Je marchais sur le trottoir pour regagner mon domicile, ou m’attendait ma femme.
Nous étions à quelques jours de noël, et il neigeait depuis le début de la semaine. Nous avions prévu de faire des courses de noël, en cette fin d’après-midi. Des enfants jouaient, d’autres
admiraient, émerveillés, les vitrines de jouets, l’ambiance était festive et tout le monde était heureux.
Je tournais dans une rue déserte, enfonçant mes mains dans les poches de mon manteau. La rue était tapissée de blanc, éclairée par les quelques allogènes et les lumières des fenêtres. Au milieu
de la rue, je ne pus m’empêcher de détourner le regard vers le trottoir d’en face.
Ce même trottoir ou l’hiver de mes 17 ans, il y a dix ans, jour pour jour, l’homme que j’aimais m’avait brisé le cœur.
Je souriais en essuyant les larmes qui m’étaient montées aux yeux, sans que je puisse les en empêcher. « L’homme que j’aimais ». C’est vraiment surréaliste. Moi, un homme, marié, qui avait aimé
un autre homme !
Je baissais la tête et continuais mon chemin, sans un regard de plus vers le trottoir d’en face.
J’ouvrais la porte d’entrée, puis me glissais rapidement dans l’appartement. Chloé sauta du canapé et couru vers moi.
- Chéri, ça fait des heuuuures que je t’attends !
Je l’embrassais, puis lui demandais si elle était prête. Chloé était ma femme depuis maintenant 5 ans. C’était la fille d’une amie de ma mère, un peu plus jeune que moi, belle comme un cœur,
intelligente. De fil en aiguille, à force de rendez vous arrangés par des parents qui nous voyaient ensemble, nous avions fini par nous marier. Elle m’aimait, tout allait bien. Oui.
- On peut y aller, déclara-t-elle.
A peine entré, je sortais de nouveau. Chloé m’attrapait la main, puis nous marchâmes cote à cote sur le trottoir que j’avais emprunté quelques minutes plus tôt.
Elle me parlait, mais je l’écoutais à peine, perdu dans mes pensées.
- Oh, viens voir ce magasin ! Dit-elle en me tirant vers un magasin de vêtements pour homme.
Chloé regardait les rayons avec attention, attrapant au passage quelques vêtements. Elle avait toujours voulu changer mon « look » qu’elle n’appréciait pas. C’est vrai que je ne faisais pas
beaucoup d’effort, quittant le week-end mon costume strict de la semaine pour des vieux vêtements simples.
- Regarde ce que je t’ai trouvé !
Elle me montrait un pantalon noir et quelques autres choses auxquelles je ne prêtais pas attention.
- J’en peux plus de tes vieux jeans, on dirait que tu as arrêté de vivre il y a 10 ans !
Mon cœur fit un bond dans ma poitrine, puis on entendit un gros sourd. Chloé se retournait, surprise, vers l’homme qui avait fait tomber le portant. Mais le plus surprit, ce fut moi.
Un peu plus loin, deux hommes quittaient le magasin d’un pas pressé … même de dos, j’aurais pu le reconnaître entre mille … Lawrence …
- Pardon, je suis désolé … murmurait l’homme, en ramassant les vêtements éparpillés.
Je courais vers la sortie, cherchant Lawrence des yeux. Il était un peu plus loin, assit sur un banc, la main dans celle de l’autre homme. Une horrible déception s’afficha aussitôt sur mon visage
et aussitôt après, Lawrence remarqua ma présence. La main de Chloé vient se glisser dans la mienne, elle dit, inquiète, tandis que Lawrence se levait et avançait déjà vers moi :
- Pourquoi t’es partit comme ça ?
- Je …
Il avait toujours ce corps sublime, élancé. Ses cheveux noirs avaient un peu poussé, il était toujours aussi beau.
- Sven ! Ca fait des lustres !!
Toujours cette façon si sensuelle de prononcer mon prénom. Mes yeux étaient perdus dans les siens, je me demandais si c’était bien réel, s’il était bien devant moi, si proche.
- Oh … Je … Lawrence, commençais-je en essayant de retrouver mes esprits, ça va ?
- Très bien et toi ? T’as changé !
Tout à coup, j’eus honte de ce que j’étais devenu. Depuis qu’il m’avait quitté, je n’avais plus vraiment fait attention à mon corps, mes cheveux blonds étaient longs et attachés en queue de
cheval, j’avais quitté mes lentilles de contact pour une paire de lunettes simples.
- … Bien, tu sais ça fait 10 ans … Dis-je, sur un ton de reproche sans le vouloir.
- Tu me présentes, chéri ? Demanda Chloé que j’avais oubliée, ou que j’aurais préféré oublier.
- Oui … heu, Chloé, ma … femme, c’est Lawrence mon … heu, voila.
Lawrence commençait à rire, se tordant en deux. Il se calma finalement, voyant que je ne rigolais pas.
- Sérieux, t’es marié ? Oô
- Oui, depuis 5 merveilleuses années ! Dit Chloé, se collant contre moi.
J’essayais tant bien que mal de la repousser, terriblement gêné.
- J’arrive pas a y croire … murmura Lawrence, avec, je l’espérais, de la déception.
- En tout cas, toi, t’as pas changé … dis-je, brisant le silence qui c’était installé.
- Oh, je suis toujours aussi beau, alors ? Répondit-il en riant.
Je fus tenté de répondre « oui » mais Chloé me lança un regard discret, l’air de se demander « c’est quoi ce malade ? ».
L’homme qui était assit à côté de Lawrence se leva, puis vint se coller a son dos. Je lui lançais un regard franchement hostile, mon cœur et ma gorge me brûlaient.
- Mon amour, on y va ?
- Oui, bébé ! Dit Lawrence, bon, Sven, j’ai été ravi de te revoir !
- Non !
- Hein ?
- Heu … je veux dire, moi aussi …
A cet instant, mon cœur me faisait aussi mal que 10 ans plus tôt. C’était comme s’il me quittait de nouveau.
Il se retourna pour partir, après avoir salué Chloé. Sans réfléchir, je posais ma main sur son dos, je le senti frémir.
Nous restâmes quelques minutes ainsi, puis j’abaissais le bras, honteux. Ce simple contact m’avait fait ressentir tellement d’émotions, de souvenirs. Je me sentais encore dans ses bras, je
sentais ses baisers fiévreux sur mon corps, sa langue lécher chaque parties de moi.
Je me retournais rapidement, puis marchais jusque chez moi, sous les interrogations de Chloé.
- Mais chéri, on rentre ?! Heeey !
Je ne lui adressais pas la parole, puis ouvrit rapidement la porte de notre appartement.
- Je vais prendre une douche.
Dans la salle de bain, je laissais toute ma haine et ma tristesse m’envahir, puis frappais d’en grand coup de poing le miroir au dessus de l’évier, enfonçant profondément les morceaux de verre
dans ma peau. Je m’écroulais ensuite le long de la porte, sanglotant, comme 10 ans auparavant …
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